Contexte
Dans un ouvrage fondateur de l’écologie sonore intitulé Le paysage sonore, le compositeur et théoricien Murray Schafer, écrivait que nos sociétés modernes entendent les mélodies de la nature, masquées par le vacarme du moteur, sinon réduites au silence par la dégradation de l’environnement et sa biodiversité. De façon assez similaire, je remarque que les métiers sont généralement devenus très silencieux avec l’informatique, ou bien assourdissants avec l’ampleur des machineries.Leur musicalité et leur vivacité se sont évanouies au profit de nappes uniformes, dépourvues de contraste et d’expression. Les bras et savoirs-faire qui génèrent cette musicalité au travail auraient-ils peu à peu fait place au vrombissement massif des moteurs, à l’automatisation austère des machines et au dictat du micro-processeur ? L’évolution acoustique du monde du travail, mais aussi la disparition progressive de certains timbres et dynamiques sonores, sont à l’origine de mon désir d’explorer ce matériel créatif. La recherche porte aussi un regard soucieux et original sur un patrimoine vivant à considérer, une gamme de savoirs-faire se marginalisant aujourd'hui au Québec et dans le monde.
Le projet
L'Inventaire des Métiers Rares et Harmonieux consiste à observer puis explorer la dimension sonore de métiers artisanaux et manuels ; des savoirs-faire qui positionnent le travailleur dans un art de la gestuelle à l’instar d’un instrumentiste ; qui produisent aussi une certaine musicalité dans la variation de ses timbres et de ses rythmes. Des métiers qui, profondément liés au corps et à l'agilité du travailleur, incarnent une sensibilité et s'inscrivent dans la grande partition du vivant. Il s’agit de chercher un chaînon manquant entre le bruit du métier manuel et sa propre musique. Dans le cadre de cette étude, j’ai invité le musicien, compositeur et artiste sonore Tom Jacques. Sa pratique artistique évolue dans l'expérimentation sonore et musicale. Par ailleurs, en étroite collaboration avec des artisans d’art, il s’adonne à la fabrication de dispositifs sonores et de lutherie sauvage. Le jeu d’improvisation de Tom Jacques, sur des instruments originaux aux multiples timbres, résonne, confronte et dialogue librement avec les bruits des ateliers et les gestes des artisans. De cette joute émerge une musique insoupçonnée, intimement liée au métier observé.
Découvrez chaque métier ici : artisansharmonieux.com
Crédits
Avec la participation de Philippe Gautier-Boudreau - fabricant de cymbale Nicole Blanchard - fileuse de laine Claudette Roberge - flècheuse Dominic Brouillette - horloger Dominique Thouin, Alexandre Cloutier et Daniel Fortin - harmonistes d’orgue Catherine Gaumerd et Éric Aubertin - relieurs et restaurateurs de livre Claude Desrosiers - tailleur de pierre Réalisation : Daniel Capeille Conception sonore et musicale : Daniel Capeille, Tom Jacques Mixage : Bernard Falaise Musiciens invités : Émie Lachapelle, au saxophone Aléxis Gagnier-Michel, au violoncelle